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Toute l'actualité de Marie-Reine Hassen

Marie-Reine Hassen, économiste, CEO CFII, ancien ministre en Centrafrique.

Un paradis pour toutes sortes de militants djihadistes (les Djanjawids du Darfour, les Shababs de Somalie, Boko Haram du Nigéria, les Salafistes du Mali

Publié le 12 Septembre 2015 par Marie-Reine Hassen

Un paradis pour toutes sortes de militants djihadistes (les Djanjawids du Darfour, les Shababs de Somalie, Boko Haram du Nigéria, les Salafistes du Mali

POUR ARRÊTER L’ANARCHIE ET RETABLIR UN ETAT DE DROIT

EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence

mercredi 2 avril 2014 à 18h15

Marie-Reine Hassen

Ancien Ministre, Présidente du MRC-Centrafrique

1 - TABLEAU GEOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE

La République centrafricaine, est un pays d'Afrique centrale enclavé, sans accès à la mer. Sa population est estimée à 3 500 000 habitants, pour une superficie d'environ 623 000 km². Ce pays est entouré par le Cameroun à l'ouest, le Tchad au nord, le Soudan et le Soudan du Sud à l'est, la République démocratique du Congo et la République du Congo au sud. Le pays est membre de l'Union africaine, de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) et de la Communauté des États sahélo-sahariens. Il est partagé entre savane sèche au Nord, savane boisée au Centre et forêt équatoriale au Sud, et connaît pour l'essentiel un climat tropical. La République centrafricaine dispose par ailleurs de nombreuses ressources naturelles, notamment l'uranium, l'or et les diamants. Le pétrole et l'énergie hydroélectrique sont d'autres ressources potentiellement importantes mais inexploitées à ce jour. L'agriculture représente 55 % du PIB. Il faut noter d'importantes ressources en bois qui font que l'exploitation forestière contribue largement au PIB. Le Centrafrique est le 2ème pays le plus riche d'Afrique après la RDC en Ressources naturelles (pétrole, bois, diamant, or, uranium etc...). Le Centrafrique fait partie des 5 pays les plus riches du monde en ressources naturelles demeurant inexploitées.

Les principales religions en RCA sont le Christianisme à plus de 80%, l’Islam à 10 %, l’animisme à presque 10%. Il est à noter que la coexistence entre toutes les communautés était pacifique jusqu’en 2012.

Cette ancienne colonie française d'Oubangui-Chari, faisait partie de l'Afrique-Équatoriale française de 1910 à 1960. Depuis l’indépendance il y a cinquante ans, ce pays a une histoire jalonnée de soubresauts politiques. Il n’a connu que dictatures, déstabilisations, coups d’Etat, crises politico militaires à répétition, rebellions et guerres civiles, qui ont fortement perturbé la paix civile et la sécurité intérieure, entraînant une instabilité institutionnelle et conjoncturelle défavorable à son développement. Le premier chef de l'État, Barthélemy Boganda, est considéré comme le père de la nation centrafricaine. Il meurt le 29 mars 1959, peu après son élection, dans un accident d'avion dont les causes n'ont jamais été élucidées.

Le pays a eu à sa tête différents régimes autoritaires, notamment celui de Jean-Bédel Bokassa, président, puis empereur auto-proclamé. En 1965 Jean-Bedel Bokassa renverse son cousin David Dacko et prend le pouvoir. David Dacko lui succède encore brièvement. Il sera chassé du pouvoir le 1er septembre 1981 par le général André Kolingba, qui établit un régime militaire. Les premières élections libres avec multipartisme ont lieu en 1993, et portent au pouvoir Ange-Félix Patassé. Celui-ci est renversé en 2003 par François Bozizé qui, réélu en 2005 et 2010, est à son tour renversé en mars 2013 par la Séléka, une alliance très hétéroclite de différentes rébellions.

Michel Djotodia et son Premier Ministre Nicolas Tiangaye se sont montrés incapables en 10 mois de remettre de l’ordre et d’empêcher les violations généralisées des droits humains. Le 10 janvier 2014 ils sont poussés à la démission par la Communauté Internationale. Un Conseil National de Transition, qui avait été mis en place de manière très opaque par Djotodia afin de lui donner un vernis de légitimité, désigne Catherine Samba-Panza, une novice, comme Chef de l'État de transition de la République centrafricaine.

Alors que l'urgence de la situation, impose des mesures énergiques et de grande ampleur, il n’y a aucun début de solution pendant que les Centrafricains continuent à souffrir le martyre. Non seulement le départ de la Seleka du pouvoir n’a pas mis fin aux violences, mais la situation est devenue apocalyptique.

Les violences se poursuivent malgré la présence des forces militaires françaises Sangaris et des troupes africaines de la Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique MISCA. Un mandat explicite qui leur avait été donné le 5 décembre dernier par le Conseil de Sécurité de l'ONU pour la neutralisation des groupes armés et la protection des populations civiles, mais de toute évidence, ces forces ont failli dans leur mission. Les partenaires européens restent très frileux pour l'envoi de troupes en RCA. L’Union européenne peine à rassembler le millier d'hommes devant participer à l'opération Eufor-RCA qui devrait venir en appui des forces françaises de Sangaris et des forces africaines de la Misca pour une durée de six mois seulement, en attendant le déploiement d'une éventuelle mission de maintien de la paix des Nations unies. Elle ne sécuriserait que l'aéroport et deux arrondissements de la capitale.

Rappelons que la RCA est entourée de pays dont les tensions se répercutent sur son territoire L'ancienne puissance coloniale continue d'y jouer un rôle important.

La République centrafricaine est une république présidentielle où le président détient tous les pouvoirs : il est à la fois chef de l'État et chef du gouvernement. En RCA le gouvernement détient le pouvoir exécutif mais partage aussi le pouvoir législatif avec le parlement.

Par la faiblesse des gouvernements dans ses régimes successifs, la RCA est restée un pays fragile que de nombreux observateurs qualifient d’ « Etat Fantôme ». Les violations des droits humains, la dégradation de la situation humanitaire et les violences restent constantes. La moitié de la population était déjà affectée de manière constante par les violences cumulées des rebelles, des bandits et des forces gouvernementales. Et tout cela avec une impunité totale. Même la capitale Bangui n’était pas épargnée. Les infrastructures essentielles, routes, réseaux d'eau, d'électricité et d’assainissement, avaient tout simplement disparu faute d'entretien et d'investissements. La santé et l’éducation étaient en ruine. La situation politique et socioéconomique, ainsi que les conditions de sécurité étaient des plus alarmantes. Enfin, le pays sert de base arrière à des groupes de trafiquants et de braconniers.

1 - SITUATION ACTUELLE

La RCA fait partie des Pays les Moins Avancés (PMA). Elle figurait déjà au dernier rang du classement mondial du climat des affaires par la revue « Doing Business » de la Banque mondiale de manière constante depuis 2008 (183è sur 183). En 2011 le PNUD l’a reléguée au 179è rang sur 185 à l'indice de développement humain. Selon Action pour la faim, 70% de la population vivait sous le seuil de pauvreté. C’est le premier pays en Afrique Centrale pour le taux de prévalence du VIH/SIDA et c’était le 10è dans le monde. L’espérance de vie des Centrafricains n’était plus que de 39 ans. C’est l’un des pays au monde où l’on meurt le plus vite. Ca c’était avant l’invasion de Séléka.

Ce désastre est le résultat de décennies d’incurie. C’est pourtant un pays qui a des ressources immenses, un territoire qui s’étend sur 623.000km2, et une langue nationale, le sango. C’est un pays qui possède des terres arables qui peuvent nourrir toute la population, des minerais et des terres rares : uranium, diamant, or etc…sans compter les réserves de pétrole. Il a par ailleurs reçu de nombreuses aides financières et un soutien sans relâche de la communauté internationale, y compris de la sous-région.

Au moment où je vous parle, la situation à Bangui est devenue dramatique et tragique. Après avoir été livré depuis décembre 2012 aux mains de criminels pendant une année, durant laquelle le coup de grâce a été administré à ce qui restait d’un pays déjà à genoux, durant laquelle même l’état-civil et les archives administratives ont été détruits, la situation est encore pire à l’heure actuelle. Car en 2013, face aux exactions multiples commises par les petits seigneurs de guerre principalement musulmans, des groupes d’auto défense se sont constitués, les anti-balakas ("anti-machettes"), majoritairement animistes et chrétiens. Ces nombreux groupes, également hétéroclites, se sont révoltés contre Séléka. Le territoire entier est plongé dans une tragédie profonde et vit dans l’anarchie la plus totale. Malgré la présence des forces armées internationales, à Bangui la capitale les affrontements, attaques, lynchages, exactions et représailles sont quotidiens. Le bilan de cette dernière prise de pouvoir par la force a été désastreux. Le remplacement d’un Président auto-proclamé par une Présidente de transition désignée par un Conseil National de Transition mis en place par ceux qui sont arrivés par la violence un an plus tôt n‘a pas calmé la situation qui empire. L’intensité de la haine s’est accrue. On tue pour tuer, sans se poser la question de la raison de la tuerie. La RCA est devenue un véritable désastre. Les populations centrafricaines sont profondément traumatisées. Des centaines de milliers de personnes sont déplacées. Les personnes survivent dans de très mauvaises conditions sanitaires : eau impropre à la consommation, absence de douches, de savon, de sanitaires. La crise médicale est devenue chronique, les pathologies augmentent énormément, et il y a des risques d’épidémies. Les problèmes d’alimentation et de nutrition sont en train de créer cette année une crise humanitaire sans précédent. Bien entendu l’administration est à l’arrêt, et l’économie est inexistante.

Le régime actuel de transition est en train de laisser cette situation empirer. Les tensions sont exacerbées. Les milices anti-balaka, en réaction aux exactions perpétrées pendant des mois par la Séléka essentiellement musulmane, s’en prennent aux civils musulmans. Les violences ont provoqué un exode massif des musulmans. Pour ceux qui restent, la situation est insupportable. Les tensions, la haine et la spirale de violence entre les communautés vont s’accroître encore davantage.

Le chaos qui persiste en RCA continue à déstabiliser le pays et finira par déstabiliser la région toute entière. La situation est si catastrophique que Genocide Watch a publié une alerte au genocide pour la RCA depuis avril 2012 (Genocide Watch’s Country Report of 2012).

Tout un peuple est en train de disparaître. Le pays est totalement à la dérive

2 - COMMUNAUTE INTERNATIONALE

La Communauté Internationale, après avoir laissé le pays sombrer dans le chaos sans réagir pendant 10 mois, s’est finalement mobilisée.

Depuis 2008 la Communauté des Etats de l’Afrique Centrale avait installé des troupes de la Force Multinationale des Etats d’Afrique Centrale (FOMAC) pour le maintien de la paix. Mais elles n’ont pas pu maintenir une paix qui par ailleurs n’existait pas. En 2013 le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2121 qui entre autre a créé une Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique (Misca) dirigée par l’Union africaine en remplacement de la FOMAC, qui compte 6000 hommes. Alors que les forces françaises de Sangaris (2.000 hommes) en Centrafrique ne suffisent pas à la tâche, le millier de soldats promis par l’Union européenne en février pour aider à rétablir l’ordre n’arrive toujours pas. Les difficiles négociations sur la question de la taille et du financement du projet visant à déployer des milliers de Casques bleus en Centrafrique se poursuivent.

Il est à noter qu’aujourd’hui même se tient à Bruxelles un mini-sommet sur la République Centrafricaine organisé par l’Union Européenne.

En décembre dernier le Conseil de Sécurité de l'ONU a donné un mandat explicite aux forces africaines Misca et françaises Sangaris, pour la neutralisation des groupes armés et la protection des populations civiles, mais aucun de ces objectifs n'est aujourd'hui atteint.

3 - JOSEPH KONY

Le leader de la rebellion ougandaise Lord’s Resistance Army, commet des atrocités dans l’Est de la RCA depuis 2008. L’armée ougandaise et des conseillers militaires américains le traquent, mais jusque là ils n’ont pas réussi à le trouver. Il est beaucoup plus sûr de lui et ses exactions sont devenues plus fréquentes.

Pour la majorité des Centrafricains, l’année 2013 a été l’enfer sur terre, et l’enfer se poursuit en 2014. Les civils, comme toujours, sont les principales victimes de ce conflit, en particulier les femmes et les enfants. Les pertes humaines sont extrêmement lourdes. La situation est pire qu’elle ne l’a jamais été dans toute l’histoire du pays, et elle s’aggrave de jour en jour. Les attaques des milices Anti-Balaka se sont amplifiées dans la capitale centrafricaine.

4 - MENACE POUR LE MONDE

Les frontières étant poreuses, si le Centrafrique est déstabilisé, il déstabilise les pays limitrophes par l’incursion de bandes armées. Ce qui se passe en RCA représente donc une menace sérieuse pour la stabilité de la sous-région. C’est un no-man's land au coeur de l’Afrique. Le territoire est devenu un sanctuaire pour les groupes terroristes islamistes, un pôle d’attraction pour les extrémistes, et un hub pour les acteurs non étatiques, dont les frontières poreuses et le terrain ingouvernable en fait un paradis pour toutes sortes de militants djihadistes (les Djanjawids du Darfour, les Shababs de Somalie, Boko Haram du Nigéria, les Salafistes du Mali etc…) Ces groupes islamistes deviennent de plus en plus puissants à travers le continent et menacent la sécurité de l’Europe et du monde. Même les rebelles non centrafricains ont pu acquérir des passeports ordinaires et diplomatiques leur permettant de circuler à travers le monde.

Les ramifications géopolitiques de l’anarchie centrafricaine ont déjà dépassé les frontières. Les Etats en guerre et les acteurs non étatiques exploitent le territoire, les caches d’armes et les ressources naturelles pour leurs interêts personnels. Les diamants de la RCA sont véhiculés aux mains des milices Janjawids du Darfour, soutenus par Khartoum. Il est clair que le chaos centrafricain a déjà des implications significatives au delà des frontières. La situation reste ingérable et il est urgent que la Communauté internationale prenne immédiatement les bonnes decisions.

En résumé, la RCA était un Etat failli, il reste un Etat failli, et le contexte actuel laisse très peu d’espoir pour un changement positif dans un futur proche, ou même à moyen terme.

5 - ENVIRONNEMENT

Les violences ruinent la biodiversité remarquable du pays et alimentent même le terrorisme global. Les groupes armés sont de plus en plus impliqués dans le commerce illicite de l’ivoire, notamment en RCA. Il a été constaté que plus de la moitié du budget de fonctionnement du groupe islamiste somalien al-Shabab provient de la vente de l’ivoire. La faune est entièrement livrée aux braconniers et aux rebelles. Les forêts de la RCA sont aussi menacées : le sud du pays est entièrement couvert de forêt équatoriale et le bois a toujours été la principale source de revenus et d’emploi pour le pays.

Crise politique, crise sécuritaire et crise humanitaire, la Centrafrique continue de s’enfoncer dans l’anarchie. Ces trois crises qui se cumulent rendent l’avenir du Centrafrique bien sombre, si rien n’est véritablement fait pour y mettre fin. Il est clair qu’aujourd’hui la première priorité est celle qui concerne la protection de la population, mais si l’Etat n’arrive pas à protéger sa propre population, il perd sa légitimité, et c’est la responsabilité des autres Etats de venir les sauver. Mais la force d'occupation internationale assiste, la plupart du temps sans réaction à des massacres de civils, et de ce fait elle s'en rend complice.

Les ONG continuent à s’égosiller: Amnesty International, Human Rights Watch et Médecins sans frontières, Ban Ki Moon n’arrête pas d’être inquiet à propos de la situation sécuritaire en RCA, et la situation continue de dégénérer face à un gouvernement impuissant et une communauté internationale dépassée.

6 - QUE FAUT-IL FAIRE POUR RESOUDRE CE PROBLEME? QUELLES SONT LES SOLUTIONS POSSIBLES?

D’abord il y a un constat : ni les nombreux sommets, ni les multiples dialogues, ni les diverses réunions, ni les innombrables appels et suppliques, n’ont ramené la paix dans le pays et la sécurité au sein des populations de la RCA. Dans mes nombreuses analyses diffusées auprès des médias audiovisuels ou écrits, j’ai insisté de manière constante sur l’urgence de s’attaquer très rapidement aux racines de l'instabilité pour éviter un affrontement armé généralisé. Ce que je craignais est malheureusement arrivé. Désormais pour en sortir, il convient d’abord d’enrayer les conditions de l’émergence de nouvelles rébellions. Ensuite, les dirigeants doivent mettre en œuvre un ensemble de réformes de structure pour reconstruire le pays sur de nouvelles bases. Pour réussir ces défis, il faut installer les conditions nécessaires à ce processus à travers la tenue d’une « conférence nationale souveraine » visant à débattre publiquement, clairement et ouvertement des maux de la RCA et de leur résolution.

1°) L’instauration de la sécurité est l’élément central de la solution globale et ne peut être assurée que par des forces internationales d’intervention autour de la France. Les Forces armées centrafricaines (FACA) et les combattants de la Séléka sont totalement disqualifiés pour intégrer le dispositif international. Une refondation urgente des Forces de Défense et de Sécurité est nécessaire. Je reste persuadée qu’une force multinationale armée nombreuse et combattante est indispensable pour patrouiller, désarmer et sécuriser l’ensemble du territoire centrafricain. Je considère que les forces internationales sont la seule garantie de paix et de sécurité à travers tout le pays, à condition qu’elles soient nombreuses et combattantes, et qu’il y ait une bonne chaîne de commandement. Les Forces Armées refondées, républicaines et professionnelles, poursuivront le processus de sécurisation du territoire.

2°) Il est urgent qu’un processus politique solide soit mis en place, en même temps que le processus militaire de sécurisation du territoire, afin d’apporter une solution durable qui redonne espoir à la population centrafricaine. La solution politique pourrait être la mise en place d’une administration provisoire sous l’égide des Nations Unies, de la France, de l’Union Africaine et de la CEEAC. Cette administration aurait la mission de conduire la gestion du pays jusqu’aux prochaines élections générales. Son objectif serait de mettre en place les différentes étapes menant aux élections.

3°) L’organisation d’une Conférence Nationale Souveraine est à mon avis l’étape cruciale et déterminante pour réussir la transition et jeter les fondations solides pour la reconstruction. Ce grand débat national devrait rassembler toutes les strates de la société Centrafricaine, les représentants des différents acteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, cultuels, les représentants de la jeunesse, de la diaspora, des paysans etc., de la République centrafricaine. Les Centrafricains devront débattre publiquement, clairement et ouvertement des maux de la RCA et de leur résolution. Les décisions issues de cette concertation nationale, tenue sur le territoire centrafricain, qui s’imposeront à tous, nous permettront de fixer une feuille de route, d’orienter le pays sur des bases solides dans sa gouvernance et dans la place que le pays doit accorder à chacun de ses citoyens.

4°) La commission Vérité, Justice et Réconciliation de la Conférence Nationale est l’un des instruments destinés à mettre fin à l’impunité, aux pillages, aux destructions, aux tueries, afin de construire un Etat de droit, une paix durable et les fondements du développement. C’est seulement sur la base de la vérité assumée et de la justice rendue aux victimes qu’une véritable réconciliation nationale peut avoir lieu.

5°) Idéalement la Conférence va indiquer les conditions de formation du Gouvernement de transition. De la qualité des membres de l’équipe gouvernementale dépendra l’efficacité de toutes les actions à mener. Une équipe gouvernementale compétente et redynamisée, issue de la volonté de l’ensemble des citoyens, apaiserait les tensions politiques. Il s’agira d’une équipe restreinte de 15 à 20 personnes reconnues pour leur intégrité, leur compétence, leur total engagement à la bonne gestion et à la reconstruction du pays.

Les principaux responsables ayant été caution de la destruction du pays et ne bénéficiant pas de la confiance du peuple devraient être disqualifiés pour mener une transition consensuelle.

L’équipe gouvernementale restreinte sera en charge de mener le processus conduisant à la réconciliation nationale, à la reconstruction de l’Etat, à la reconstruction de l’appareil judiciaire, à l’optimisation de l’administration publique, à l’élaboration de plans sur la réorganisation territoriale, la remise en service de l’éducation, de la santé et des infrastructures publiques, et à l’organisation des élections générales.

Ce grand débat national que je souhaite depuis 2010 aurait dû se tenir pour une transition transparente qui aurait permis l’établissement d’une meilleure gouvernance du pays, particulièrement dans le domaine de la lutte contre l’impunité. Car l’impunité est l’une des causes de l’instabilité en Afrique Centrale.

Nous savons parfaitement qu’autrement, ni la Séléka ni les anti-balakas n’arrêteront leurs tueries, leurs pillages et leurs exactions, que l’ordre ne sera pas rétabli, que l’accès à l’assistance humanitaire restera désespérément difficile.

Tous les acteurs politiques Centrafricains doivent également s’impliquer dans cet effort pour restaurer la sécurité et l'État de droit, et surtout pour traiter les causes sous-jacentes de l'instabilité qui persiste.

De mon point de vue, ce sont là les conditions nécessaires pour envisager un avenir qui assurera à l’ensemble du peuple la paix, la prospérité et la démocratie.

Date : Mercredi 2 avril 2014 à 18h15
Organisé par : l'Académie des Sciences d’Outre-Mer (Paris)
Présentation : Conférence sur le thème « Situation de la République Centrafricaine et propositions de solutions

Intervenants :

  • Marie-Reine HASSEN, Ancien Ministre du Gouvernement centrafricain, candidate aux élections présidentielles en République centrafricaine
  • Jacques SERRE, Président de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer

Lieu de la manifestation : IEP, Amphi Bruno Etienne, Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence.